Axe 3 - Modélisations et scénarios géographiques

Date de mise à jour : 21 novembre 2013

Le WP3 vise à développer des concepts et méthodologies génériques permettant de prédire spatialement un risque d’émergence lié aux déplacements à grande échelle d’hôtes vertébrés pour un pathogène à transmission vectorielle. Il a été décidé de se concentrer sur le modèle tiques et maladies associées, en particulier sur les tiques du genre Hyalomma dans le bassin méditerranéen. Trois volets sont abordés au sein du Work Package.

(CMAEE, AGIRs, SELMET)

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1.     Etude des aires de distributions actuelles et potentielles
a)      Problématique

Un important axe d’investigation dans l’étude des phénomènes d’émergence de maladies vectorielles est la description des aires de distribution actuelles des espèces vectrices et la production de prédictions concernant leurs aires de distribution futures sous différents scenarios de changements locaux (e.g., occupation des sols, fréquentation des zones à risque) ou globaux (e.g., changements climatiques). Ce type d’étude permet d’identifier des zones d’émergence potentielles qui sont des zones où l’espèce vectrice est d’ores et déjà présente mais pas le pathogène d’intérêt, des zones où l’espèce vectrice n’est pas présente mais où les conditions environnementales sont dore et déjà favorables à son établissement ou des zones où l’espèce vectrice n’est pas présente mais où les conditions environnementales pourraient lui être favorables dans un futur plus ou moins proche. Ce type d’étude fait appel aux méthodes de caractérisation des conditions environnementales à large échelle géographique, généralement par l’interprétation de données de télédétection, et à l’analyse des relations entre l’occurrence d’une espèce vectrice cible et les caractéristiques environnementale en particulier à l’aide de modèles de niche environnementale. Outre la production de cartes décrivant les probabilités de présence actuelle ou future d’une espèce vectrice, ces méthodes permettent, en croisant des données d’observation d’occurrence des vecteurs étudiés et des données environnementale de décrire la niche environnementale des vecteurs (l’ensemble des conditions environnementales favorables à sa survie et à sa reproduction). Ces méthodes ont donc un fort ancrage écologique.

b)     Réalisations :

Deux stages de masters ont porté sur cette problématique. Pour savoir où des vecteurs sont présents ou pourraient s’établir, des modèles prédictifs de niche écologique ont été développés à partir de données historiques de présence pour 5 espèces de Hyalomma, afin de déterminer leurs habitats favorables et donc leur distribution potentielle dans le bassin méditerranéen (encore jamais réalisé jusqu’à présent) (Hadjemi 2011). L’usage de deux méthodes statistiques (ENFA et MAXENT) ont permis d’évaluer leur sensibilité/spécificité respective et de mieux comprendre les limites de ces modèles (Merlin 2011).

2.     Caractérisation et échantillonnage des communautés de tiques à l’échelle locale
a)      Problématique

Les études des communautés de tiques à des échelles locales sont complémentaires des approches à large échelle décrites dans le sous-axe précédent. Elles permettent une caractérisation détaillée des infections des hôtes par les vecteurs et des conditions environnementales favorables à la survie et à la reproduction des vecteurs. Elles permettent également de valider localement les prédictions des modèles de distribution. Ces études locales se heurtent souvent à des problèmes de détection, les vecteurs étant généralement des organismes relativement discrets. Une caractérisation rigoureuse des communautés de tiques nécessite donc des protocoles d’échantillonnage et des méthodes d’analyse des données permettant d’estimer simultanément des abondances, des densités ou des prévalences mais également des probabilités de détection.

b)     Réalisations

Suite à la réalisation d’une synthèse bibliographique d’une base de données en 2011 afin de cibler les espèces d’oiseaux d’intérêt en tant qu’hôtes pour le genre Hyalomma et de définir les patrons généraux de portage de tiques par les oiseaux (Balança 2011), l’année 2012 a été consacrée à la mise en place de protocoles permettant de caractériser sur le terrain les patrons de portage de tiques dans des communautés d’oiseaux. Cette étude a été réalisée dans la réserve naturelle de l’Estagnol, située à une vingtaine de km de Montpellier, qui est un site utilisé au printemps et à l’automne comme halte par les oiseaux effectuant des migrations transméditerranéennes. Lors de sessions de terrain bi-hebdomadaires, des passereaux ont été capturés à l’aide de filets, bagués et examiné afin de détecter les tiques qu’ils portaient. Les tiques détectés ont été prélevées, identifiées au niveau genre au laboratoire, puis conservées au congélateur. Nous avons ainsi constitué une banque de tiques qui pourra dans le futur être exploitée pour une caractérisation des tiques au niveau spécifique, des recherches de pathogènes ou des analyses de génétiques des populations de tiques. En outre les protocole utilisés pour capturer les oiseaux et détecter les tiques qu’ils portaient ont suivi les principes de l’échantillonnage répété (plusieurs sessions de capture d’oiseaux séparés par des temps courts, examen des oiseaux pour la détection des tiques effectués indépendamment par deux expérimentateurs) L’analyse des données produites par de tels protocoles d’échantillonnage répété permettent d’estimer et de modéliser simultanément l’abondance ou la prévalence des organismes cibles et les probabilités de détection de ces organismes. Nous avons donc pu décrire en tenant compte des biais de détection : la composition de la communauté de passereaux fréquentant notre site d’étude ainsi que sa dynamique saisonnière. Nous avons également décrit la prévalence de portage de tiques par ces passereaux, ses variations en fonction des caractéristiques écologiques des espèces de passereaux capturés et sa dynamique saisonnière. Les résultats de cette étude sont décrits dans le rapport de stage de MI d’Aurore Bourguignon (Bourguignon 2012), stage entièrement financé par l’ATP émergence.
Dans la même thématique d’étude des communautés de tiques à l’échelle locale, nous avons profité d’un travail destiné à caractériser des communautés de tiques entrepris dans le cadre de la thèse d’Eve Miguel dans la région de Hwange, au Zimbabwe, pour mettre au point des protocoles d’échantillonnage répété et des méthodes d’analyse de données permettant d’estimer des densités de tiques dans la végétation en tenant compte des biais de détection. Cette étude qui fait l’objet d’une publication en préparation (Miguel et al. in prep) s’inscrit dans les thématiques de l’ATP émergence puisque les compartiments de paysage explorés sont situés à l’interface de zones communales, occupées par des hôtes domestiques, et de zones dédiées à la protection des écosystèmes de savane et occupés par des hôtes sauvages. Ces interfaces constituent donc des sites d’émergences potentielles par transfert de pathogènes de la faune sauvage aux espèces domestiques. Cette étude préliminaire dont les objectifs étaient pour une large part méthodologique (mise au point de protocoles d’échantillonnage et de méthodes d’analyse de données) a par ailleurs permis de mettre en évidence d’intéressantes variations de la densité de tiques. Pour les deux genres de tiques les plus abondants, les densités étaient nettement plus élevées dans les zones communales, que dans les zones protégées ou qu’aux interfaces entre zones communales et zones protégées.

En bref :

  • Une synthèse bibliographique : Balança G. Synthèse bibliographique sur le transport des tiques par les oiseaux. Rapport et base de donnée édités en juin 2011.
  • Mise en place d’un programme de suivi des tiques portées par les passereaux migrateurs
  • Un article en préparation : Miguel E., Boulinier T, Grosbois V., Caron A., de Garine Wichatitsky M. Characterising tick communities at a wild-domestic interface using patch occupancy modelling repeated sampling protocols and models. Article en préparation pour OIkos

3. Mouvements d’hôtes et dispersion potentielle des tiques et agents pathogènes à longue distance
a)      Problématique

Le dernier volet se focalise sur les mouvements d’hôtes à large échelle géographique (grande distance) pouvant générer la dispersion d’agents pathogènes tels que le virus de la peste des petits ruminants ou de vecteurs tels que les tiques du genre Hyalomma sur de longues distances géographiques.

 b)     Réalisations

Pour savoir où et comment des hôtes vertébrés porteurs de vecteurs et de pathogènes se déplacent, il a été développé une base de données bibliographique sur les mouvements de ruminants domestiques dans le bassin méditerranéen et au Sahel ainsi qu’un outil web de représentation temporelle et spatiale des mouvements d’hôtes vertébrés (Coste 2011). Cet outil permet de caractériser le mouvement en termes de flux et d’intensité et de le classer selon l’espèce animale concernée et le type de flux. Il permet d’intégrer aussi bien des données de bases internationales telles que FAOSTAT ou UN Comtrade database ainsi que des données des systèmes d’informations régionaux, d’observatoires filières, de projets de recherche et des données de terrain. En 2012, l’outil a été amélioré en y intégrant des indicateurs facilitant le suivi de la qualité de l’information  ainsi que des indicateurs SNA (Social Network Analysis) pour décrire de manière statistique les contacts. Le système peut à présent prendre en compte d’autres types de mobilité comme la transhumance. Une interface d’export vers plusieurs formats de fichier a été également implémentée. Suite à la présentation de cet outil à un atelier du Remesa (REseau MEditerranéen en Santé Animale) à Tunis en juillet 2012, les pays de ce réseau et la FAO se sont montrés intéressés et l’outil est maintenant retenu pour faire la synthèse des mouvements commerciaux officiels de bétail. Des collaborations sont engagées pour valoriser des données relatives aux mouvements d'animaux et produits animaux sur tout le bassin méditerranéen. La réflexion et la mise en œuvre vont avancer en 2013 avec une collaboration avec la Tunisie, dans le cadre du jumelage du Centre National de Veille Zoosanitaire (CNVZ) avec les structures homologues de France, d’Italie et d’Espagne.

 En bref :

  • Un outil de recensement, de suivi et de représentation des mouvements de bétail dans le bassin méditerranéen et le Sahel

 Animatrice-teur : Laurence Vial (CMAEE), Vladimir Grosbois (AGIRs)

Date de mise à jour : 21 novembre 2013